Pourquoi les 100 premiers jours de Trump pourraient mener à un crash historique

Il est certain que les 100 premiers jours du second mandat de Donald Trump seront considérés comme parmi les plus déterminants de l’histoire politique moderne. Depuis son retour à la Maison-Blanche, M. Trump a consolidé un pouvoir considérable au sein de l’exécutif, démantelé de larges pans de l’administration fédérale, remis en question des alliances économiques et militaires nouées depuis la Seconde Guerre mondiale, et brisé le consensus politique qui a guidé le commerce mondial pendant des décennies.

Mais un début marquant ne garantit en rien un succès durable. La popularité de M. Trump est déjà en baisse, et si l’histoire des précédentes présidences nous sert de guide, le pire reste probablement à venir. Comme en 2017, il est le seul président moderne à afficher une cote de popularité nette négative à ce stade de son mandat. À mesure que les Américains ressentent les effets de ses décisions, ces 100 premiers jours pourraient bien être vus, rétrospectivement, comme le prélude à une présidence historiquement impopulaire


Traditionnellement, un président bénéficie d’un « état de grâce » après son élection, où sa popularité est dopée. Une image plus fidèle de son soutien réel apparaît généralement début septembre, une fois que les électeurs ont mesuré les conséquences des premières décisions du gouvernement. Depuis les années 1990, chaque nouveau président a vu sa cote de popularité baisser entre le centième jour et le mois de septembre.

Bill Clinton et George W. Bush ont perdu chacun 11 points à ce moment-là (la trajectoire de M. Bush a été bouleversée par les attentats du 11 septembre 2001, qui ont fait de lui un président en temps de guerre). Barack Obama a connu une baisse de 15 points. Pour M. Trump, la perte avait été de 5 points.

Quant à Joe Biden – le seul de ces présidents à ne pas avoir été réélu – il culminait à 57 % d’opinions favorables à ses 100 jours, mais n’en comptait plus que 43 % en septembre, plombé par des déclarations prématurées sur la fin de la pandémie, un retrait chaotique d’Afghanistan et une inflation galopante. Ses difficultés persistantes ont finalement mené à son retrait de la course présidentielle, 107 jours avant l’élection.

M. Trump pourrait bien être soumis à la même logique politique, avec cependant un risque de chute encore plus brutale de sa popularité d’ici septembre, en raison d’une combinaison de facteurs, certains communs à ses prédécesseurs, d’autres propres à lui.

Comme ceux qui l’ont précédé, M. Trump surestime le mandat que lui ont confié les électeurs. S’il est bien le premier républicain depuis 20 ans à avoir remporté le vote populaire, sa part des voix reste inférieure à 50 %, et sa marge de victoire demeure faible au regard des standards historiques.

Sa victoire a davantage été motivée par le rejet du duo Biden-Harris que par un réel engouement pour son programme. Malgré une cote de popularité toujours négative, il a réussi à battre Kamala Harris de justesse, principalement parce qu’elle a recueilli six millions de voix de moins que Joe Biden en 2020.

Comme tous les présidents élus depuis les années 1990, M. Trump a entamé son mandat avec le contrôle total du Congrès. Ce contexte rend sa surestimation de son mandat encore plus périlleuse : dans tous les cas précédents, le parti du président a perdu au moins une des deux chambres dans les deux premières années.

Ce qui rend la situation de Trump encore plus délicate, c’est que le Congrès actuel, sous contrôle républicain, a en grande partie renoncé à son rôle de contre-pouvoir, permettant au président de pousser des nominations et des politiques particulièrement radicales.

Par ailleurs, M. Trump est tombé dans le piège classique des présidents nouvellement élus : confondre l’art de la campagne électorale avec celui de gouverner. Son incapacité à planifier et mettre en œuvre efficacement ses politiques a marqué ce second mandat — en témoignent ses initiatives chaotiques en matière d’immigration, de droits de douane, ou encore la création maladroite d’un prétendu « ministère de l’efficacité gouvernementale ». Cette gouvernance désorganisée génère une incertitude telle qu’elle empêche les entreprises de prendre des décisions d’investissement.

Ces éléments pourraient lui coûter cher dans les mois à venir, d’autant que son socle électoral reste limité et que l’opposition à son encontre est à la fois large et intense. Selon un sondage NBC News de mars, 45 % des Américains ont une opinion très négative de M. Trump, contre 36 % d’opinions très positives. Ce sont les 19 % d’électeurs indécis ou modérés qui seront décisifs. Ils apprécient davantage certaines politiques de Trump que sa personne, et le jugeront surtout sur ses résultats plutôt que sur ses slogans.

Et sur ce plan, M. Trump a déjà perdu du terrain. Un sondage CNBC publié ce mois-ci montre que 55 % des personnes interrogées désapprouvent sa gestion de l’économie — le plus mauvais score qu’il ait jamais enregistré dans ce domaine. Il accuse un retard particulièrement préoccupant auprès des électeurs indépendants : -29 en cote d’approbation pour la gestion de l’économie, et -51 pour l’inflation.

Et ce, avant même que les effets de ses nouvelles taxes douanières ne se fassent pleinement sentir. Ces hausses de tarifs vont inévitablement faire grimper les prix pour les consommateurs américains, sans parler de l’impact à long terme sur les plans d’épargne retraite. Un sondage CBS News d’avril indique que 64 % des personnes interrogées pensent pouvoir juger d’ici quelques mois des effets des politiques commerciales de l’administration sur l’économie nationale.

À cela s’ajoute la menace que font peser sur lui les coupes budgétaires, en particulier celles mises en œuvre avec Elon Musk, dans les services publics de plus en plus utilisés par la population.

En 2000, seuls 317 comtés aux États-Unis voyaient plus de 25 % des revenus de leurs habitants venir de l’aide publique (principalement Medicare, Medicaid et la sécurité sociale). En 2020, ce chiffre était monté à 1 986 comtés. Ce qui est particulièrement inquiétant pour Trump, c’est que 80 % de ces comtés ont voté républicain lors des dernières élections.

Certes, beaucoup d’Américains estiment qu’il y a du gaspillage dans les dépenses publiques. Mais ils restent très attachés aux services essentiels que fournit l’État — et en mesureront d’autant plus la valeur lorsqu’ils cesseront d’en bénéficier. Pour l’instant, ils n’ont pas encore ressenti les effets des coupes, mais cela viendra probablement d’ici l’automne.

Trump a fait campagne en promettant de mettre fin à l’inflation, de rendre les biens plus abordables et d’inaugurer un nouvel « âge d’or américain » dès son entrée en fonction. Il faudra environ 230 jours, et non 100, pour que l’on puisse évaluer s’il a tenu parole. Une chose est sûre : d’ici septembre, Trump ne pourra plus rendre Biden responsable de l’état du pays. Il devra en assumer l’entière responsabilité — pour le meilleur ou pour le pire.

21 avril 2025

Doug Sosnik a été conseiller principal du président Bill Clinton de 1994 à 2000 et a conseillé plus de 50 gouverneurs et sénateurs américains.


source : https://www.nytimes.com/2025/04/21/opinion/trump-100-days-approval.html